Portraits de personnes réelles

Entretien avec la jeune photographe professionnelle Myriam Abdelaziz

La photographe Myriam Abdelaziz expose actuellement, de juin à septembre 2010, au BOZAR Center for Fine Arts à Bruxelles, en Belgique, ainsi qu'à la National Gallery de Cape Town, en Afrique du Sud.   Française, d'origine égyptienne, elle s'est lancée dans la photographie professionnelle il y a plusieurs années, abandonnant une carrière déjà fructueuse dans le secteur du marketing. Après avoir exposé certaines de ses œuvres à Paris en 2004, elle a entrepris des études supérieures en photographie documentaire et a obtenu un diplôme de l'International Center of Photography en 2006. Tout en continuant à exposer dans des galeries en Europe et aux États-Unis, elle reçoit une nomination pour le prix du New York Photo Festival en mai 2008 et publie un livre sur le thème de son exposition, "Portrait of a Genocide". Cette exposition a eu lieu au siège des Nations unies à New York en août 2008. Mme Abdelaziz a remporté plusieurs concours au cours des quatre dernières années et a été désignée par la Fondation Magenta comme l'un des 25 photographes émergents aux États-Unis en 2009.            

"Darfurians in Cairo"
Darfouris au Caire © Myriam Abdelaziz 2008

 
  Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur votre dernière exposition à Bruxelles, intitulée "Un rêve utile". L'exposition "Un rêve utile", organisée par Simon Njami, est une célébration de la photographie africaine. Elle est le moyen d'une représentation précise du continent et de sa situation économique et politique actuelle du point de vue des photographes d'origine africaine. Cette collection d'œuvres est destinée à donner un aperçu des personnes, de leur culture, de leurs valeurs et de leurs traditions, qui contrastent avec les photographies exotiques stéréotypées des photographes étrangers.              

Ressentez-vous toujours le même frisson, les mêmes émotions, lorsque vous êtes sur le point d'inaugurer une exposition, que lorsque vous avez commencé ? Oui, je le sais. Chaque exposition est unique... l'expérience, le thème, le cadre, tout rend une exposition passionnante. Ce n'est jamais la même chose. Vous ne savez jamais comment les gens vont réagir à vos photographies. Le frisson, l'anxiété et l'excitation de la soirée d'ouverture font toujours partie du processus. Le fait de pouvoir prendre les photos, de voir mon travail sur un mur, de me souvenir de ce moment et de le partager avec d'autres me procure, après la vague d'émotions anxieuses, une grande satisfaction et, si la foule a compris ma photographie, un succès. Si ce frisson disparaissait, si ces émotions disparaissaient, si je perdais ce sentiment de satisfaction et de réussite, je sais que je devrais penser à faire autre chose.            

Pourquoi avez-vous décidé de quitter le secteur du marketing pour vous lancer dans la photographie ? La photographie était la seule chose qui avait vraiment un sens dans ma vie à cette époque. J'y songeais déjà et j'avais déjà participé à une exposition à Paris tout en travaillant à plein temps. Ce n'est que lorsque j'ai vendu mes deux premières photographies que j'ai senti que je devais m'y consacrer entièrement. C'était un signe.            

"On Navajoland"
Sur Navajoland © Myriam Abdelaziz 2008

 
 Pourquoi avez-vous choisi le portrait comme spécialité ? Je n'ai pas choisi, c'est venu tout seul... J'essaie de travailler "à l'envers", c'est-à-dire que "là où je suis attiré" et "quand je sens le moment", je prends la photo sans jamais la remettre en question. Mes premières études de photographie étaient basées sur des reportages documentaires. Je l'ai suivi, j'ai essayé de travailler avec, mais je me suis retrouvé attiré par les gens, et mes photographies ont lentement mais sûrement évolué dans cette direction. J'ai découvert la joie de rencontrer de nouvelles personnes, et la curiosité qui m'incite à en apprendre davantage sur leurs cultures, leurs valeurs et leurs principes.          

Selon le photographe qui sommeille en vous, qu'est-ce qui fait LE portrait parfait ? Je ne crois pas à la perfection, mais je peux dire qu'un portrait fort est celui qui capture un instant de vie, un moment où quelque chose d'intérieur est révélé, un aperçu d'une âme... un moment intime.            

"Going South "
Going South © Myriam Abdelaziz 2008

 
 Demandez-vous à vos personnages de poser pour vous ou prenez-vous les photos sous l'impulsion du moment ? S'ils posent, ils ne seront pas à l'aise, et ce ne sera pas naturel. Je préfère prendre les photos sur l'impulsion du moment pour les laisser être ce qu'ils sont vraiment. La photographie devient alors une vision claire de l'individu et de son âme. Je suis un observateur et non un réalisateur. Les photographies sont des choses très personnelles, et je n'aime pas déranger les gens. Je considère comme un grand privilège le fait qu'ils me laissent les photographier et je ne vais donc pas leur donner des ordres sur la façon dont ils doivent se tenir ou sur ce qu'ils doivent regarder.              

Qu'est-ce qui vous a le plus marqué lors de vos voyages à travers le monde pour vos projets ?  Les gens que je rencontre et les conversations que nous avons. J'ai appris beaucoup de choses sur moi-même grâce à eux, à chaque fois. Rencontrer de nouvelles personnes dans leur propre monde, aussi bref soit le temps passé là-bas, est également précieux. Elles sont toutes uniques. Le simple fait de ralentir pour s'arrêter et leur donner une chance de se connecter avec moi, et moi avec eux, est également très enrichissant.              

Quelle est la partie la plus difficile pour devenir un photographe professionnel ? Être un photographe professionnel peut être assez difficile. Il faut croire en soi et en son métier pour ne pas baisser les bras. Il faut maintenir un certain rythme de production et se sentir fort dans les projets que l'on prend en main. Avec le temps, et surtout au début, on se rend compte que la stabilité et la sécurité sont un luxe si l'on n'y met pas du sien. La confiance et la persévérance sont essentielles.            

Quel est votre photographe professionnel préféré ? Il y en a trop pour les citer tous, mais j'apprécie particulièrement les œuvres de Helmut Newton, Erwin Olaf et Andres Serrano.            

"Myriam"
Myriam © Myriam Abdelaziz 2008

Myriam's "Going South" Les collections de portraits de la campagne égyptienne donnent un aperçu des traditions et de la culture de la civilisation rurale égyptienne actuelle. La personnalité de chaque individu émane de la photographie, avec un aperçu de la gentillesse et de la générosité authentiques que l'on peut attendre de tels personnages. "Les Darfouris au Caire" illustre le dur labeur et les temps difficiles pour une population qui tente de s'intégrer dans la capitale égyptienne. Contrairement aux habitants de la campagne, ils ne sourient pas, ils "semblent" avoir accepté leur situation et leur statut social, les logements précaires et les métiers pénibles. Ils semblent attendre, patiemment, que quelque chose change.        

Quitter le continent africain et aller en Amérique du Nord, "Sur Navajoland"  parle aussi des gens, mais pas du citoyen américain typique. Il s'agit de personnes ayant une identité différente, mais dont les conditions de vie sont quelque peu similaires à celles des Égyptiens de la campagne. Leur terre très étendue, tout aussi riche en culture et en traditions, n'est pas étrangère aux mauvaises conditions de vie. Pourtant, ils sont souriants, accueillants et chaleureux, épargnés par la corruption et la pollution, légèrement influencés par la civilisation moderne, ils trouvent la richesse dans leur environnement et leurs communautés. Ils ont trouvé le moyen de fusionner les temps modernes avec leur identité historique authentique.        

Les photographies de Myriam sont une fenêtre sur d'autres parties du monde. Elles sont un voyage dans l'espace et le temps. Elles sont une évasion vers le pays éternel du pardon et de la simplicité, où la gentillesse et la chaleur, quelles que soient les conditions, prévalent toujours. Elle réussit à capturer à travers son objectif la présence de la civilisation moderne dans des cultures isolées, ce qui donne lieu à des photographies exceptionnellement riches d'individus ayant quelque chose à dire. Tout simplement délicieux !         

 Pour de plus amples informations, veuillez consulter le site www.myriamabdelaziz.com ou contacter Myriam Abdelaziz à info@myriamabdelaziz.com          

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